Le couvent des Ursulines
L’ordre des Ursulines est fondé en Italie en 1535 par Sainte Angèle Mérici pour se consacrer à l’éducation des filles, aux soins des malades et des nécessiteux. L’ordre apparaît en France en 1586, à Eymoutiers en 1629.
En juillet 1790, la canicule régnait sur Eymoutiers. Dans le pré, sur l’autre rive de la Vienne, on amenait boire les chevaux. Les garnements chargés de la surveillance de ces animaux avaient pris l’habitude de se baigner tout nu sous les yeux des Ursulines. Scandalisée, la mère supérieure Léonarde Cramouzaud se plaignit à la municipalité qui ipso facto légiféra : sera puni de prison ferme tout contrevenant. Mais cet arrêté municipal ne pourra jamais être appliqué et le scandale ne cessera qu’avec la canicule. En outre, les religieuses quittèrent Eymoutiers en septembre suivant.
Le bâtiment a servi d’hôpital militaire pendant la première guerre mondiale.
LE PROJET D’AGRANDISSEMENT DU COUVENT DES URSULINES D’EYMOUTIERS
(Extrait de l’ouvrage « Joseph Brousseau architecte limousin au temps des lumières » par Christian TAILLARD, paru aux Presses Universitaires de Bordeaux en 1992)
Dans la liste des plans de Brousseau acquis en 1894 à la suite d’une délibération du Conseil Général de la Haute-Vienne figure celui du couvent des « Religieuses d’Aimoutiers ». La dispersion des pièces constituant le portefeuille de l’architecte avait rendu à l’anonymat ce plan que le dessin et la date désignaient néanmoins comme parfaitement typiques du style de Brousseau.
Ce document est la seule trace connue d’un projet d’agrandissement du couvent des Ursulines d’Eymoutiers. Les archives de celles-ci ont à peu près disparu pendant la Révolution et les épaves restant ne mentionnent pas de tractations entre les religieuses et Brousseau. Une visite à l’ancien couvent aujourd’hui transformé en bâtiment scolaire confirme ce qu’indiquait déjà le plan de Dumont en 1793 : seule la partie du XVIIe siècle de la construction, figurant à droite sur le plan de Brousseau, a jamais abrité les Ursulines. Quant à la modeste partie XVIIIe siècle dont le portail s’ouvre face à la Collégiale, elle dut répondre à ce qu’étaient les besoins des Religieuses du lieu en 1772 besoins qu’outrepassait hélas le superbe travail de Brousseau.
Cet échec est d’autant plus regrettable que le projet présente un très grand intérêt. L’artiste, à la demande des Dames, a choisi un plan qui permet d’intégrer des bâtiments déjà existants. La largeur du corps de logis du XVIIe siècle conditionne celle du bâtiment projeté dans le prolongement de la façade tournée vers la Collégiale voisine. De la même façon, l’angle de 110° formé par l’aile du dortoir avec le corps de logis principal s’explique par la disposition semblable des bâtiments du siècle précédent. Le souci de fondre la nouvelle construction et l’ancienne en un tout homogène va jusqu’au choix d’un format unique pour les baies du couvent. Mais Brousseau était-il décidé à reprendre le module, voire le décor des façades du Grand Siècle pour l’ensemble de son projet ou prévoyait-il de repenser une beauté digne de la chapelle qu’il devait élever en même temps ? Par ce que nous savons de l’architecte, nous penchons pour la deuxième hypothèse.
Si le projet manifeste la souplesse d’adaptation de Brousseau, il porte aussi la marque de son esprit rigoureux et de ses préoccupations du moment. Dans le temps qu’il dresse ce plan, l’artiste élève à Limoges la chapelle des Visitandines. Or, le parti adopté à Eymoutiers est très proche de celui choisi pour les Filles de sainte Jeanne de Chantal : un espace intérieur circulaire intégrant une croix grecque. Dans les décrochements ménagés par l’extrémité des bras de celle-ci sont disposés deux autels et deux ouvertures, l’une permettant aux religieuses de suivre les offices, à travers la grille, l’autre ouvrant sur la rue par un portail monumental.
Cette parenté d’inspiration ne doit pourtant pas masquer les différences réelles qui existent entre les deux chapelles. Alors qu’à la Visitation de Limoges, le cercle intérieur s’inscrit dans une enveloppe extérieure carrée, à Eymoutiers, Brousseau choisit de donner à sa chapelle une forme octaédrique. Autre élément de différenciation : les pavillons qui flanquent le lieu de culte sont décrochés en avant de celui-ci en 1771, alors qu’ici ils sont au contraire en retrait par rapport à la façade monumentale et accolés à l’édifice. L’architecte, poussé par le souci de symétrie qui caractérise son art, a d’ailleurs donné les mêmes dimensions aux deux parloirs disposés dans le bâtiment de gauche et au chœur des religieuses situé à droite de la chapelle.
Ce projet dont le rapprochement avec celui donné à Limoges peu avant s’impose, soulève des problèmes insolubles en l’état : la « copie lavé avec les coupes et élévations » envoyée aux Dames le 25 janvier 1773 n’a pas encore été retrouvée et il y a peu de chances qu’elle le soit jamais.
Comment se présentait cet ensemble en élévation ? Manifestement, il s’agit d’un projet d’église à coupole, et par ce que nous savons de l’art de Brousseau, il paraît logique d’imaginer que les bâtiments flanquant la chapelle étaient éclairés, sur rue par trois fenêtres rectangulaires à crossettes surmontées d’un entablement taluté. Parloir et chœur des religieuses, tout comme le dortoir devaient être coiffés d’une toiture à deux versants et croupes droites, par analogie avec le bâtiment du XVIIe siècle. Cela allait d’ailleurs dans le sens des préférences de Brousseau exprimées à la couverture du palais épiscopal et du collège de Limoges.
Cet ensemble grandiose qui aurait donné à Eymoutiers une parure monumentale digne de ce foyer religieux très actif dans le dernier quart du XVIIIe siècle ne fut pas réalisé. Faute d’argent probablement, car si les projets de Brousseau sont généralement somptueux, ils sont aussi onéreux. Or, nous ignorons si les Ursulines du lieu étaient riches ; mais en revanche la situation du couvent est telle que la construction ne pouvait être que coûteuse. Il est en effet installé sur un terrain descendant en pente très forte vers la rivière et le jardin en terrasse est plus bas d’un étage que le niveau de la rue. Cette dénivellation obligeait l’architecte à prévoir des fondations considérables et un étage de soubassement pour l’église. Dans ces conditions, la chapelle à elle seule devait coûter une fortune sans parler du chœur des religieuses, des parloirs et des dortoirs où la présence d’un escalier monumental confirme la présence d’un étage de soubassement. Le coût du projet que nous pensons pouvoir évaluer à 250 000 livres compte tenu de ce que nous savons du prix de revient des édifices construits en Limousin à la même époque par Brousseau, dut obliger les Ursulines à renoncer au rêve merveilleux proposé par l’architecte.
Monsieur Vignes, libraire et propriétaire du château de la Fontmacaire, a pu se procurer les plans de Brousseau. Il nous a autorisé à en faire des photographies qui montrent bien l’importance et la magnificence du projet.
Plans du projet d’agrandissement du couvent